Prendre son quart…
Il y a les quarts de jour et les quarts de nuits… aussi les quarts d’ennui… et les quarts magiques pendant lesquels on écarquille les yeux de tous les côtés tellement il y a à voir…et les quarts pendant lesquels on a du mal à garder les yeux ouverts…tellement il ne se passe rien !!!
Prendre le quart, c’est prendre la responsabilité, pendant une courte période (2 heures sur IKESSO), de conduire le bateau en sécurité et suivant la stratégie définie (en fonction de la route à suivre, de la voilure, des vents, de la visibilité, de la mer et des courants)… C’est une organisation immuable depuis que les marins naviguent, quel que soit le bateau, on prend des quarts sur porte-conteneurs géant ou sur un voilier de croisière.
Chaque équipier, à tour de rôle, prend donc son quart ; à nous 4, les quarts durent 2h et reviennent donc toutes les 8h, soit 3 fois par 24h. il arrive que les équipiers se croisent mais se voient peu car il est important de privilégier le repos et d’accumuler du sommeil pour être disponible et frais quand il faudra monter sur le pont à minuit et garder les yeux ouverts !
Pendant certains quarts, il peut ne rien se passer : aucun bateau rencontré, les conditions sont stables, on n’a pas besoin de toucher aux réglages et le prochain point de destination est loin… Alors entre 2 tours d’horizon toutes les 10 minutes pour s’assurer de rencontres inattendues, le pilote automatique barre et l’équipier de quart rêve, ou lit, ou bien contemple les éléments : un ciel étoilé somptueux, des oiseaux qui planent, des bancs de poissons volants qui décollent à l’étrave, le sillage phosphorescent, ou simplement le plaisir du bateau qui trace sa route les voiles bien pleines dans la mer qui laisse passer…
Mais d’autres quarts sont très animés, soit parce qu’il y a du trafic avec des bateaux qui nous croisent ou nous rattrapent, des petits bateaux pêcheurs qu’on ne voit que lorsqu’ils sont proches parce qu’ils n’ont pas d’AIS, ou bien le vent est changeant et les manœuvres se succèdent (prendre un ris, rouler le foc, régler les voiles…). Ou pire, la visibilité est nulle et là c’est un peu stressant, il est indispensable de scruter sur 360° régulièrement quand même, en plus de l’AIS et du radar…
Pour les quarts de jour, on est rarement seul éveillé, on peut papoter, blaguer ou partager ses impressions, cuisiner et manger ensemble. Les quarts de nuit sont plus solitaires et silencieux…
La nuit, si IKESSO navigue proche de la côte, on aperçoit les phares ou les lueurs des villes… Ou même les immeubles très éclairés des grandes villes comme Salvador ou Rio au Brésil.
Très important : la nuit, pour ne pas éblouir l’équipier de quart qui doit garder une bonne vision, l’éclairage intérieur d’IKESSO est rouge, les instruments de bord sont affichés en rouge également et nous portons des lampes frontales rouges. Ça donne une ambiance très particulière, propre à ces quarts de nuit, et qu’on apprend à aimer.
La responsabilité du quart se transmet… On va réveiller le suivant s’il dort… Les consignes se transmettent : le cap, la marche, les surprises qu’on a eues, les surprises à attendre tels que des bateaux repérés à l’AIS ou bien des grains ou des changements de vent prévus, ou encore l’approche d’un Way-Point (point de passage défini : une bouée, un cap ou une île à contourner…).
Une fois le quart transmis « je prends !» dit haut et fort le nouvel équipier de quart (le quart montant), l’autre (le quart descendant) est ravi de souffler, il souhaite « bon quart ! » et souvent il file dans sa couchette pour dormir sur ses 2 oreilles !
Avec un peu de chance, le quart descendant a fait chauffer un café ou une soupe pour le quart montant, mais pas toujours… L’équipier du quart montant se familiarise alors avec la situation du moment, étudie la carte sur l’iPad, avec la route et les autres bateaux, la côte… et s’évertue à garder les yeux ouverts pendant que l’équipage dort…
Bon quart à tous !